dimanche 31 janvier 2010

Opérer sous une bâche

J'ai commencé des démarches pour trouver un GPS afin de localiser les bâtiments inspectés ou à inspecter et constituer une cartographie de nos interventions, mais tous ici sont partis à rire en me souhaitant "bonne chance"! Enfin, on verra. J'avais pris la journée d'hier pour faire mes rapports mais il n'y a pas eu d'électricité... Je continue donc aujourd'hui pour avancer le plus possible. Je dois aller à l'hôpital pour l'installation d'une citerne pour l'eau et vérifier si le bâtiment est prêt à recevoir les patients qui sont toujours opérés sur le terrain de l'hôpital sur des cartons déposés au sol. La salle d'opération est en plein air, recouverte de bâches pour protéger du soleil et pour faire des murs. Je vois les médecins partir le matin avec des scies à métal et des ciseaux à tôle pour faire les amputations...

André Bergeron, ingénieur spécialisé en charpente
Collaborateur d'Architectes de l'urgence, en Haiti

jeudi 28 janvier 2010

Une journée productive

À peine arrivé en Haiti, ma première journée "sur le terrain" a été des plus productives ! J'ai inspecté l'hôtel Karibe ce matin et cet après-midi les 3 bâtiments des soeurs religieuses de Ste-Anne. Il semble que le mot de notre présence (Architectes de l'urgence) se passe d'un organisme à un autre... Le CECI a reçu d'autres demandes d'ONG et de l'université pour nos services.
Demain, je me rendrai au centre de collecte de fonds...(le nom m'échappe)et prendrai l'après-midi pour préparer mes rapports. Je dois dire, en toute modestie, que mes interventions se déroulent bien et que les gens apprécient.

André Bergeron, ingénieur en charpente
Collaborateur d'Architectes de l'urgence Canada, en Haiti

vendredi 22 janvier 2010

Écoles détruites...

Rencontre avec Gilles Monrosty,
Directeur de la Fondation Paul-Gérin-Lajoie en Haïti

Constat : beaucoup d’écoles sont détruites. On pense à recréer des camps scolaires en attendant la reconstruction. 90% de l’enseignement est privé et trop souvent de qualité médiocre. Quelle belle opportunité pour reconstruire un système d’éducation qui donne le goût d’apprendre en privilégiant la notion d’appartenance: l’appropriation de l’école par la famille de l’école. Des exemples de ce modèle existent en Afrique. C’est plus cher à court terme mais dans l’esprit d’un développement durable, extrêmement économique.

Jean-Paul Boudreau, architecte et Claude Robert, stagiaire en architecture
Jodoin Lamarre Pratte architectes et associés
Collaborateurs d'Architectes de l'urgence Canada, en Haiti

Constats et souhaits de guérison à l'échelle de la ville

Dans notre poursuite du constat des dégâts, notre chemin s'ouvre sur le reste de Martissant. On y découvre la Résidence Mangonese qui a perdu sa coursive. Le bâtiment principal est récupérable, de chaque coté duquel les colonnes extérieures doivent être remaçonnées. Un gros travail de restauration patrimonial en vue.

Un peu plus au Sud, quelle joie de retrouver les habitations Leclerc sans l'ombre d'une fissure. Ces dizaines de petits pavillons disposés judicieusement de façon à briser le rythme de la répétition, inhabités depuis une vingtaine d’années, ont un potentiel immense de conversion-restauration.

De cette opération sur tout le territoire, de cet immense travail de collaboration sur le tissage social, nous souhaitons que s'éveille un phénomène de guérison à l'échelle de la ville.

Claude Robert, stagiaire en architecture
Jodoin Lamarre Pratte architectes et associés
Collaboratrice d'Architectes de l'urgence Canada, en Haiti

Se livrer à la terre

Nous nous devions (et leur devions aussi) de retourner à Simbie pour voir les squats, leur parler et prendre connaissance de l'impact qu'a eu le séisme sur eux, sur le lieu qu'ils squattaient. Nous avions déjà visité, en décembre dernier, l'ancien hôtel Simbie Continental(autrefois un 4 étoiles transformé en bidonville-squat)situé dans le quartier Martissant dans le cadre d'une entente de collaboration entre les villes de Montréal et de Port-au-Prince. À ce moment déjà, promiscuité, extrême pauvreté et insalubrité régnaient parmi les quelque 2000 femmes, hommes et enfants qui squattent le site, propriété de la Ville de Port-au-Prince.

À notre arrivée, nous avions été surpris de constater la simplicité (lire: extrême difficulté) de leur mode de vie. Suite au séisme du 12 janvier, le mot "dévasté" est faible pour décrire l'état du lieu. L'absence presque totale d'organisation laisse place à un sentiment palpable d'abandon face aux forces de la terre - "surrender to the earth".

Avant même de songer à rénover ce qu'il restait de l'hôtel pour leur offrir un lieu moindrement humain et assurer leur survie, il incombait tout d'abord d'entamer la réorganisation en termes de besoins de base (eau, nourriture, toilettes). Si la communauté de Simbie cultivait le manioc (plant à partir duquel on fait du jus, de la farine, des galettes), il en reste peu du petit jardin préalable dans lequel de nombreuses familles y trouvent maintenant refuge (tentes, matelas, toiles, feux de camps). L'état dans lequel le séisme a mis l'hôtel affaiblit encore davantage la communauté de Simbie. Les nombreuses fissures apparues à plusieurs niveaux menacent l'intégrité structurale de ce qu'il reste de l'édifice. Certaines colonnes isolées à l'intérieur s'effritent au toucher. Les familles ne peuvent réintégrer leur maison (lire: leur chambre d'hôtel...) sans y risquer leur vie. L'aide prioritaire tarde à arriver. On nous dit être les premiers à les avoir visités.

Notre devoir consiste maintenant à travailler avec eux pour une réorganisation durable. Reconstruire Simbie passe par eux, leur survie en dépend, elle commence avec eux. Tout comme Port-au-Prince, Simbie doit et va renaître de ses poussières. En débutant par un travail de compréhension profonde de notre part d'un mode de vie haïtien qui portera fruits conditionnellement à une collaboration communautaire et locale, une entraide, un échange, des liens, un retour aux sources; il faut questionner l'occupation actuelle des milliers de vendeurs de rue de cossins américains et recréer un schème oublié, beaucoup plus vrai, fort, riche et durable dans lequel chaque haïtien a un rôle essentiel et complémentaire à jouer: paysan, maçon, assembleur, cultivateur, éleveur, etc.

Jean-Paul Boudreau, architecte et Claude Robert, stagiaire en architecture
Jodoin Lamarre Pratte architectes et associés
Collaborateurs pour Architectes de l'urgence Canada en Haiti

Un retour à la vie…

mercredi 20 janvier 2010

Réveillés par un séisme


À 6 h ce matin, nous avons été réveillés par un séisme - notre premier, mais bientôt le 50e pour les gens d'ici pour qui chaque secousse rappelle la mort. Émotions fortes. Les structures tiennent le coup. Tout est ok pour nous. Nous avons obtenu de notre cameraman des images que bientôt nous mettrons sur le blog. En espérant que tous se portent bien au Canada. Bonjour à nos proches.
(Photo : Bluestorm Télé)

Suite au séisme ce matin, des dizaines de gens accourent et s'attrouppent à l'exterieur des pavillons. Seulement 3 secondes suffisent pour raviver la frayeur de la destruction. Les nerfs sont à fleur de peau. Un regard suffit pour saisir l'émotion.

Sur notre route vers l'Ambassade du Canada, un coup de fil de MTL: les médias disent que l'Ambassade est rasée. À notre arrivée, pas un caillou n'est déplacé. Avant-midi de coordination.

Á notre départ, on découvre un quartier Bel Air rasé. Les tanks et autres armes de l'ONU parcourent les rues. Thème: pollution extrême et nuances de gris. Acier d'armature perce les décombres. Des équipes fouillent toujours les décombres pour trouver des membres....

Gaylor et le CUSM au Karibe. On retrouve un Gaylor très affecté....Notre rencontre avec le CUSM et Gaylor a donné lieu à une discussion riche et animée par des haitiens motivés par la reconstruction de leur ville, de leur pays.

À l'ordre du jour:

1. Preoccupations étrangères versus locales. La présence de plusieurs pays peut mener à des opérations contradictoires.

2. Deux opérations doivent coexister soit la déportation des sinistrés sur des sites temporaires et la reconstruction durable et permanente mais adaptée à la population locale.

3. Il faut travailler en équipe et que chaque opération fasse partie d'un processus global chapeauté par la commission déjà en place.

Tout est sur bobine.

Ensuite, entrevue avec Jean-Francois Lépine de Radio-Canada au pied du Pavillon des Ministères. L'entrevue sera diffusée à l'émission "Une heure sur Terre" ce vendredi à 19 h.

Souper de sachet, hallucinations et fous rires dus aux émanations d'essence dans notre camion, maux de tête et matelas de sol... Des ronflements nous ont fait découvrir une caverne d'Alibaba avec 50 lits...

A suivre...

Claude Robert, stagiaire en architecture
Jodoin Lamarre Pratte architectes et associés
Collaboratrice d'Architectes de l'urgence Canada en Haiti

mardi 19 janvier 2010

Tournée de relevés et de sécurisation


Champs de coqs au réveil, déjeuner au sachet et hop! en escapade avec AU France. Je pars en tournée de relevés et sécurisation avec Serge et Maurice, Jean-Paul avec Patrick Coulombel et le cameraman de ARTV.
(Photo : Bluestorm Télé)

L'institut français d'Haiti a subi quelques dommages. On doit assurer la sécurité du bâtiment avant que les 300 étudiants qui y suivent des cours de langues ne le réintègrent. Ses deux étages datent de différentes époques: des fissures sont apparues à leur jonction. La dalle de compression avec armature au centre sied sur une construction de hourdis entre poutrelles de béton sur poutres de béton sur colonnes de béton. D'autres fissures marquent le mouvement dans les panneaux de remplissage intérieurs et extérieurs, mais l'integrité de la structure primaire ne semble pas être affectée. Rien de majeur. Le bâtiment pourra être réhabilité. Verdict final à être donné par AU France. Un échantillon de béton est recueillit.

Résidence Nadal: la structure a été epargnée. Des fissures marquent le mouvement à l'intérieur des panneaux de remplissage.

Hôpital : le plus grand hôpital de PAP qui traite le SIDA et la tuberculose est partiellement ecndommagé. On demande d'évacuer le bâtiment administratif alors que les laboratoires et autres pavillons requièrent des réparations mineures. La reprise en sous-œuvre risquant d'être beaucoup trop coûteuse, on espère avoir recours à la démolition/reconstruction.

Résidences et bureaux de Medecins du Monde-France: un pavillon sur trois reçoit le verdict du besoin de réparations majeures pour réintégration. On demande d'évacuer le bâtiment. Les deux autres demandent des réparations mineures mais peuvent être occupés. Leur bureau est une perte totale. Une magnifique résidence, moderne et achevée... On a récupéré des échantillons de mortier pour analyse.

En après midi, il pleut sur PAP. Jean-Paul et moi partons pour rencontrer M. Guypsy Michel du CECI au bâtiment où travaillaient ses 40 employés. Ce dernier est en relative bonne condition mais certaines parties montrent des faiblesses structurales importantes. Verdict : elles devront être corrigées avant l'occupation. Un échantillon de béton est là aussi recueilli pour analyse.

Ensuite, à l'Ambassade canadienne, toute autre scène; c'est la ruée à la guérite. Haitiens de nationalité canadienne font la file pour recevoir de l'aide pour sortir du pays ou profiter du site de l'Ambassade pour un peu de repos, d'eau et de nourriture. Une fois entrés, on arrive à dénicher, parmi la tonne de refugiés, Martin Blackburn et Guy Houle de l'UPCA dont le siège social est à diagnostiquer.
Verdict : le bâtiment est impeccable. Là aussi un echantillon de béton est recueilli.

Clôture de notre journée par un déménagement à l'Hôtel Karibe. Richard Bureau, maître d'hôtel et cousin de notre ami Gaylor, nous accueille à l'intérieur de ses murs condamnés en attendant un verdict pour reprendre vie. Civils armés montent la garde. Le silence règne sur le site infini. Jusqu'à ce qu'une escouade de pompiers américains déferle pour accéder au site voisin ou un long tri de corps et de débris d'une tour de logements les occupperont pour les prochaines 48 heures... Souper au sachet, on s'endort à la belle étoile. La pluie nous réveille en pleine nuit. On transfert dans un pavillon de l'hôtel, vidé de ses tables et contenant quelques matelas tous près des portes qui restent ouvertes en cas d'évacuation rapide...

Claude Robert, stagiaire en architecture
Jodoin Lamarre Pratte architectes et associés
Collaboratrice d'Architectes de l'urgence Canada, en Haiti

lundi 18 janvier 2010

La mort au nez


Nous nous sommes rendus à Jimani sans pépins. À la douane, c'est la galère: réfugiés tentent de sortir autant que l'aide tente d'entrer. Les convois annoncés sont un mythe et les passeports une histoire du passé. De l'autre côté, on croise beaucoup de refugiés à pieds, mais encore peu d'indications de la catastrophe. À notre arrivée à PAP, c'est le chaos habituel multiplié par dix. On s'attendait à beaucoup pire cependant. L'aide est là: ONU, DART, armée américaine, médecins du monde et sans frontières...(photo : Bluestorm Télé)

Arrivés à l'Ambassade de France pour rejoindre AU France puis à la mairie de PAP pour constater les dégâts et retrouver notre cher ami OP et Lyndsay, la femme de Jean-Yves, le maire, tous très ébranlés, très vaporeux, mais vivants et heureux de l'être.

Virée au Palais pour voir ce qu'il en reste. Le champs de Mars est converti en zone de déplacement temporaire. Tous les sans-abris du quartier s'y rassemblent, installent tentes et s'en sortent comme ils peuvent en communauté.

L'eau arrive par citernes en certains points de chute et la nourriture on ne sait trop. Devant toutes les ambassades, lignées d'enfants affamés et parents désespérés attendent qu'on leur cède un bout de pain.


Les bâtiments sont extrêmement touchés, et il ne semble pas y avoir de règle de sélection ; certains sont miraculeusement debouts, d'autres écroulés.
Certains secteurs sont à vif, à plat ou à cœur ouvert.

Ça sent la mort. Masque au visage, les survivants sont partout dans les rues. Le terrible traffic habituel laisse place à des kilomètres d'attente pour son bidon d'essence. C'est la pénurie là aussi. (Photo : Bluestorm Télé)

Certains bidonvilles, ironiquement, sont des grands survivants. Mais plus personne n'y dort car on craint la réplique sismique... La nuit on dort dans la rue. Tous. Tout près de chez soi, mais à l'extérieur car c'est plus sûr.

Notre rencontre avec Patrick Coulombel (président AUC France) et son équipe marque un départ pour relever l'état de la résidence de l'Ambassadeur de la France afin d'y loger temporairement une équipe de pharmaciens sans frontières français évacués de leur pharmacie sinistrée. Diagnostic : go.

1ère nuit: camping en face de l'Ambassade de France. La nuit est extrêmement bruyante. Camions, chiens, cris, hélicoptères, cellulaires, la ville ne dort pas. Tout juste à côté de nous, une colonie de coqs s'acharne jusqu'au matin...

Jean-Paul boudreau, architecte
Jodoin Lamarre Pratte architectes et associés
Collaborateur d'Architectes de l'urgence Canada, en Haiti

dimanche 17 janvier 2010

Le motel à passes

20 h - La bobine roule...La noirceur est tombée. Petits et gros animaux bordent les rues. La fatigue se fait sentir. Un bruit: 2e crevaison. Plus de pneu de rechange. Voitures et scooters se garent tout autour de nous. Ça sent le guet-apens. Panique...on décolle. Mais l'un deux est militaire et il nous ouvre la route vers le village le plus près. Autres scooters nous bordent et signalent les nids de vaches sur la route! On roule sur la roue sans pneu avec les clignotants d’urgence à 10 km/h.

22 h - Nous arrivons au "Motel à passes", à une heure de Jimani. Une autre scène de film : voitures garées dans un garage attenant à la chambre, à l'intérieur d'une cours se fermant à l'aide d'une énorme porte à enroulement métallique. Chambres à l'heure. Par chance, Damien parle espagnol. On réserve les chambres, dodo et on change les pneus demain.

La voiture nous a piégés. Le convoi nous a sauvés. Vigilance!

Jean-Paul Boudreau, architecte
Claude Robert, stagiaire en architecture
Jodoin Lamarre Pratte architectes et associés
Collaborateurs d'Architectes de l'urgence Canada, en Haiti

samedi 16 janvier 2010

Pneu de secours

Nous sommes sains et saufs à notre camp de retraite en République Dominicaine,en convoi avec Paulson et Francois le cameraman, suivis de Damien et Vivien des Architectes de l'urgence de la France, escortés par une voiture qui fait le transport de vivres. Nous sommes de retour après une crevaison sur la route paisible reliant Santo-Domingo à la frontière d'Haïti. Nous avons perdu la voiture de tête mais la retrouverons à Jimani (à la frontière) où l'on campe ce soir. Il y a un départ de convoi prévu pour partir demain matin à 6 h am pour Port-au-Prince. Champs de bananes, rues propres, bidonvilles "modernes" changent du décor de Port-au-Prince.

Jean-Paul