jeudi 11 mars 2010

Toutes à démolir ?

Le soir de notre arrivée (10 mars), nous avons eu une réunion avec le responsable logistique de la Fondation Paul Gérin-Lajoie qui nous transmet la liste des écoles à visiter (40 écoles chacun, dans toute la région située entre Port-au-Prince au sud et St-Marc situé au centre de Haïti), en disant que les chauffeurs seraient là dès 8 h. Donc, le jeudi matin 11 mars commence la ronde des visites. Bien entendu, le chauffeur connaissait toute la région comme le fond de sa poche, sauf quand il fallait trouver une école. J’ai vite compris qu’il fallait une aide supplémentaire et j’ai offert au premier directeur d’école rencontré de nous guider, ce qu’il a accepté de bon cœur. Beaucoup de gens ne parlent que créole et je n’arrive pas à les comprendre, et eux non plus.

Je travaille donc avec lui depuis ce temps et ça marche rondement, c’est le cas de le dire : pour aller dans une école perdue en montagne, il a fallut marcher une heure, la route n’étant pas praticable en voiture, avec gués, falaises, etc, autant pour en revenir. Mais comme l’aventure était inhabituelle avec un «touriste», deux autres jeunes de la place et même le chauffeur ont tenu à m’accompagner. Les paysages étaient magnifiques et j’ai bien aimé ce trekking. J’étais tout fier de mon exploit jusqu’à ce que mon guide me montre un petit garçon de 6 ans qui faisait ce même trajet à tous les jours pour aller à l’école…

Les noms des endroits visités sont très évocateurs et pittoresques : Trou Baguette, Jalousie, Cadenette, Deluge, Dophiné, Mission possible, Matelot Youvi, Nouvelle Aurore, Eureka, etc. Et il y a ici des mornes, comme dans nos Iles-de-la-Madeleine, qui sont en fait des collines isolées et arrondies. J’ai été surpris de voir que même dans ces arrière-pays, il y avait autant de monde partout, la grande majorité étant très pauvre : le quart de la population (2,4 millions de personnes) n’ingère par le minimum journalier de 2240 calories recommandées par l’OMS.

Nous visitons les écoles (privées à 90%, donc hors du contrôle de l’état), qui sont en général dans un état lamentable et pas seulement à cause du séisme; nous rencontrons les directeurs et remplissons un petit formulaire qui sera remis au Ministère de l’Éducation et qui pourra ainsi déterminer une action à entreprendre et que tous les directeurs espèrent en faveur de LEUR école. Il s’agit de déterminer si les écoles sont intactes, endommagées, réparables ou à démolir.(Yves Langevin, architecte, sur la photo)

En fait, selon nos critères, elles seraient presque toutes à démolir (imaginez une école de 300 élèves sans toilette, sans eau potable, une cour couverte de détritus, 68 élèves dans une classe de 6m x 8m, un tableau en « masonite » usé, des bancs faits de deux planches, pas d’électricité, pas de papier, des murs en blocs de béton, des grillages métalliques aux fenêtres, des professeurs non payés donc souvent non motivés). De quoi éteindre l’éclair qui aurait pu naître dans l'oeil de ces petits affamés.

André Bergeron, ingénieur spécialisé en charpente
Membre d'Architectes de l'urgence, en Haiti

1 commentaire:

  1. Bonjour André,
    Alors que tu enseignais un cours de structure au cégep du Vieux-Montréal il y a quelques années, tu nous avais raconté une anecdote; comment des gars de chantier avaient "scrappé" un voyage de béton avec quelques sachets de sucre...je n'ose imaginer ce qui peut parfois entrer dans le mélange de béton en Haiti...
    Merci d'être présent là-bas et de nous le raconter,
    Stéphanie Fortin

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