samedi 24 avril 2010

TOUT PAGAY KRAZE (tout est brisé)

Jacmel:
On arrive en fin de journée à Jacmel, jolie ville de la côte sud qui a déjà eu ses heures de gloire au dix-neuvième siècle avec la culture du café. Nous visitons quelques sites d’habitations dévastées pour réaliser qu’au delà des images et reportages, il y a eu un drame humain ici. Il y a des corps sous les décombres depuis plus de 3 mois et une odeur de putréfaction insupportable s’en dégage.
Nous logeons au Cap Lamadin qui est envahi par les représentants d’agences internationales et des ONG. L’Hôtel n’a pas été affecté par le séisme bien que plusieurs immeubles avoisinants sont détruits. Où est la logique? Des constructions à qualité variable!(Cap Lamentin)

Leogane :
À Leogane nous avons rendez-vous avec le Maire adjoint qui se sent très impuissant devant toutes ces agences et ONG qui viennent dans sa ville pour intervenir comme bon leur semble et sans l’implication des autorités locales. La Mairie a des ressources très limitées, pas de services d’urbanisme ou de construction, pas de ressources, plus de directeur général car depuis le séisme la ville ne perçoit plus rien en taxes ni autres revenus. Leogane a été très touchéem; plus de 50 % des immeubles sont abimés. Trente-six mille familles vivent dans les tentes. Comment peut-on penser à la reconstruction dans ces conditions ? La reconstruction devra se faire en harmonie avec la ville existante et devra s’inscrire dans son plan d’aménagement et dans les grandes orientations pour les années à venir et cela en respectant les principes du développement durable. Malheureusement, la municipalité n’a pas les ressources pour superviser et orienter ce développement. (Mairie de Leogane)

Port-au-Prince :
Il y a du monde à Port-au-Prince. Il y a plein de vendeurs de toutes sortes en bordures des rues. Tous ces gens ne peuvent quitter leur quartier, leurs revenus en dépendent. La ville a d’abord été construite près du port pour s’étaler par la suite sur les pentes escarpées des collines avoisinantes. Une partie de la ville s’est construite de façon informelle dans des quartiers difficiles d’accès et sans services. La circulation est difficile, les boulevards et avenues ne suffisent pas à la demande. Imaginez le tremblement de terre dans cette situation où de plus les immeubles ont été réalisés sans le respect des normes de construction les plus élémentaires. Certains ont résisté, d’autres non. La qualité du béton et des agrégats de pierre calcaire (au lieu du sable) a évidemment fragilisée toutes ces structures. Maintenant on reconstruit, de la même façon. Il y aura toute une campagne de sensibilisation à faire afin que les résidents comprennent les risques qu’ils courent.

Des immeubles détruits, il y en a partout. Certains sont encore instables et risquent à tout moment de tomber dans la rue ou sur les passants. Au niveau de la reconstruction, les agences internationales et les ONG se concentrent surtout à l’extérieur de-Port-au Prince car c’est assez complexe d’intervenir ici. Ce qu’il faut c’est de travailler avec la population locale afin qu’elle participe à la reconstruction en fonction de ses priorités. Architectes de l’urgence réalisera un projet de reconstruction avec UN-HABITAT dans ces quartiers populaires.
Ce qui surprend à Port-au-Prince, c’est la présence de tous ces militaires, coréens, argentins, uruguayens, chiliens, chinois, américains, pakistanais, etc. La ville est en état de siège. Ces militaires se promènent dans la population avec leurs armes, casqués comme s’ils étaient en Afghanistan, sans compter les centaines de véhicules des Nations Unies. Si j’étais Haïtien, je me sentirais assiégé. Pas certain que j’apprécierais.

Bernard McNamara, architecte
Président d'Architectes de l'Urgence du Canada, en Haiti

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